Tombé sous le charme de ce charismatique homme depuis son élection comme souverain pontife, j’ai suivi avec un intérêt particulier les actions et déclarations du pape.
Sa grande sensibilité envers les plus démunis ne pouvait qu’accroitre mon estime pour lui. Son choix d’effectuer son premier voyage à Lampedusa fut d’une grande portée et depuis lors, j’épie ses discours pleins de sagesse.
L’un de ses discours les plus marquants fut celui prononcé lors de la célébration de la journée mondiale de la paix en 2017.
Ce fut un discours mémorable appelant les citoyens du monde à plus d’humanité et le retour aux valeurs, dont l’une des principales est l’accueil des immigrés et refugiés, définissant cet acte comme un devoir. Il a par ailleurs si bien analysé le phénomène migratoire et l’accueil, que le corps de son discours est devenu l’introduction des miens. Le pape proposait une stratégie d’intégration sociale autour de 4 mots (valeurs clés) à savoir :
- Accueillir
- Protéger
- Promouvoir
- Intégrer
Loin d’être juste des simples mots, c’est le résumé d’un parcours qui, si bien réalisé, permet inévitablement de transformer le jeune migrant en une potentielle ressource ; une richesse pour son pays d’accueil mais surtout un être humain indigné, blessé dans son amour propre, arraché à l’affection des siens et de sa terre, à qui l’on redonne un second souffle, une seconde chance de répartir de zéro et se construire un bonheur, même si cela peut paraitre illusoire. Par-dessus tout, on lui redonne ce qu’un être humain a de plus cher : SA DIGNITE.
Ce parcours trouve tout son sens dans mon histoire personnelle.
Le 22 octobre 2016, je débarquais au port de Reggio Calabria à bord du navire de médecins sans frontières (MSF) vidé de ma substance existentielle et dépouillé de ma dignité. Toute les choses, y compris la vie, avaient perdu sens pour moi tant le voyage du Niger en Lybie jusqu’à la traversée de la Méditerranée fut douloureux, pénible et à la limite insupportable pour l’être humain tant émotionnellement que physiquement. Après 2 jours passé au port, je fus transféré dans la petite et belle communauté de Camini, un village situé au sud de l’Italie; à 4km de Riace.
Là-bas :
1- J’ai été ACCEULLI non seulement avec le sourire, mais avec le cœur, me permettant ainsi de recoller avec la réalité et reprendre gout à la vie, même si mes pensées étaient toujours avec les milliers de jeunes qui croupissaient et croupissent encore dans les prisons libyennes.
2- J’ai été PROTEGE en me permettant de commencer toute la procédure légale pour demander la protection internationale avec toute une assistance juridique. J’ai été PROTEGE en me permettant de recevoir une assistance médicale pour soigner les nombreuses maladies contractées en Libye.
3- J’ai été PROMU en me permettant de recoller avec mon rêve d’étudier à travers l’initiation à la langue et à la culture italienne. Ainsi, j’ai reçu des mains de la merveilleuse coopérative JUNGI MUNDU les clés pour m’intégrer.
4- Je me suis intégré grâce aux acquis du parcours su-cité.
Grâce à ce parcours, j’ai vite pu m’exprimer en italien et animer plus 120 conférences de 2017 à 2019 dans des écoles, universités, espace public et réaliser une dizaine d’interviews.
Grâce à ce parcours, j’ai rencontré des personnes merveilleuses au premier rang desquelles Daniela Maggiulli qui m’a non seulement ouvert sa porte, mais aussi celles de sa famille et surtout son cœur ; m’offrant ainsi le privilège de retrouver un cocon familial, qui certes est différent du mien, mais ce fait a changé complètement ma vie.
Grâce à ce parcours, j’ai rencontré l’UNICEF et je suis devenu U-REPORTER et plus tard Youth Delegate ; circuit à travers lequel j’ai appris à soigner mes plaies et ressentir moins de solitude. J’ai connu des jeunes pleins d’ambitions et au regard plein d’Esperance.
Grâce à ce parcours, j’ai renoué avec mon passé d’activiste pour les droits de l’homme et la contribution à la construction d’un monde meilleur. Cela donne aujourd’hui un sens particulier à ma vie qui s’enrichit chaque jour un peu plus.
Vous comprenez alors pourquoi je suis fasciné par le pape François.
Dans le cadre de mes actions avec l’Unicef, j’ai porté la voix des jeunes migrants et réfugiés au pupitre des plus grandes institutions, d’abord à Marrakech pour le compte du Global Compact for Migrations et à Genève pour le Global Compact for Refugees au siège des Nations Unies où j’ai eu l’insigne honneur de rencontrer Fabio Baggio, envoyé par le Vatican pour participer aux différents évènements su-cités.
Ce dernier, m’entendant citer le pape chaque fois, en a fait part à ce dernier et il a proposé que je le rencontre en personne afin de lui porter les doléances des milliers de jeunes dont je porte la voix. C’est ainsi que le rendez-vous fut fixé pour le lundi 14 janvier 2019 à 16h. Ma mère adoptive, Daniela, a pris le soin de me faire un shopping spécial. C’est donc ému et vêtu comme un diplomate que nous nous sommes présentés au Vatican.
Costume bleu marine, chemise bleu ciel comme pour rappeler la couleur de la mer qui me portât jusqu’en Italie mais aussi la mer qui a englouti des milliers de mes amis et compagnons de voyage pour qui j’ai toujours une pensée pieuse; pour illuminer ce bel ensemble, j’ai mis une cravate rouge vif, confectionnée avec soin par la COOPERATIVE JUNGIO MUNDU de Camini.
15 minutes avant l’heure indiquée, nous étions devant la guerite et Fabio nous y attendait. Il nous conduisit dans une salle pour discuter des formalités d’usage avant de s’entretenir avec le souverain pontife ; « le boss » comme il l’aime l’appeler.
A 16h00, la porte s’ouvrit et une lumière noble et apaisante envahit la salle ; il était là ! Je n’en croyais pas mes yeux. Non seulement il était là mais très ponctuel.
Je le regardai ébahi, les yeux écarquillés comme la première fois que je repris ma génitrice dans mes bras lors de mon retour récent au pays.
Il nous serra la main. Fabio m’introduisit puis le pape nous souhaita la bienvenue avant de me demander des nouvelles. Balbutiant, je me lançai : « votre sainteté, je voudrais commencer mon propos par vous remercier de votre sollicitude et votre sensibilité à la question de l’immigration et votre réactivité pour la cause des plus démunis et vous demander de ne pas vous arrêter en si bon chemin, surtout dans cette période noire que traverse l’Italie et l’Europe en général. La situation que vivent les migrants aujourd’hui est plus que critique et ne risque pas de s’améliorer maintenant, c’est pour cela qu’une voix comme la votre ne doit jamais se taire. En effet, en décembre dernier j’ai été respectivement à Marrakech et à Genève en tant que jeune délégué UNICEF pour présenter les résultats du sondage réalisé par l’UNICEF à travers U-report on the move. C’est un sondage qui met en exergue la précarité dans laquelle vivent des milliers de migrants. Par ailleurs, je suis activiste pour les droits de l’homme et j’essaie de porter haut la voix des plus démunis parce que j’estime que nous jeunes avons notre un rôle fondamental à jouer dans la préservation de la paix et la cohésion sociale. C’est dans ce sens qu’avec un groupe d’amis, tous jeunes, nous essayons d’élaborer des projets d’aide au développement communautaire pour lesquels nous sollicitons l’aide des institutions internationales et les personnes de bonne volonté. J’essaie aussi de promouvoir votre discours tenu à l’occasion de la journée internationale de la paix parce que je le trouve tellement juste et je crois qu’en suis l’incarnation. »
M’ayant écouté attentivement, il me répondit: « j’avais entendu parler de toi à travers Fabio et je dois avouer que moi aussi je suis heureux de te rencontrer. Je te félicite pour toutes tes actions et je peux te garantir que tu peux compter sur notre soutien pour vos projets. Des jeunes comme toi il en faut dans ce monde avide et cupide. Un monde dans lequel les valeurs humaines sont en perdition. Toi aussi tu ne dois pas baisser les bras. Continue de donner de la voix ; c’est très important. Tu m’as présenté ta maman italienne alors je t’annonce que je suis désormais ton père. »
C’est sur cette note émotive et de belles rigolades que la séance fut levée avec un échange de présents.